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Le Protocole au Traité sur l'Antarctique

relatif à la protection de l'environnement en Antarctique

(Madrid, 1991)

 

 

 

 

Article publié in:

 

Pôle Ouest, n°2, 1998 sous le titre: "Le Protocole de Madrid, un nouvel instrument juridique de l'environnement en Antarctique"

Auteur: Anne Choquet

 

 

 

 

L'environnement antarctique se caractérise par son originalité et son exemplarité. Jusqu’aux années 70, l’image qu’avait la majorité des personnes était simple : devant tant d’espaces inoccupés, les activités humaines au sud du 60° de latitude Sud n’auraient pas ou peu d’impact sur l’environnement. Pourtant, l'écosystème du continent blanc est typiquement ceux des milieux extrêmes: il est fragile et particulièrement sensible aux actions externes. L’environnement en Antarctique est non seulement vital pour les espèces indigènes, mais il représente également une zone de surveillance continue contre la pollution mondiale. Des erreurs ont été commises dans le passé (introduction d'espèces exogènes, exploitation inconsidérée de la faune, ...), il faut aujourd’hui les réparer et surtout éviter qu'elles ne se reproduisent.

Le continent austral est le foyer de multiples activités scientifiques d'envergure, notamment sur la couche d’ozone et les changements climatiques. Les travaux de recherche scientifique engagés par les Etats et la coopération entre ceux-ci ont montré qu’en dépit de leurs différences des Etats pouvaient travailler ensemble, dans leur intérêt mutuel et dans l’intérêt de la paix et de la coopération. Mais surtout, cette région est l’objet d'une activité internationale intense et un laboratoire de la réglementation internationale de l'environnement.
Toutes les activités menées en Antarctique sont soumises aux règles du système du Traité sur l’Antarctique qui repose sur le traité signé à Washington le 1er décembre 1959 par douze Etats ayant mené des activités scientifiques sur le continent durant l’Année Géophysique Internationale. L’Antarctique est alors réservé à jamais aux seules activités pacifiques. Entré en vigueur le 23 juin 1961, le Traité interdit tout mesure de caractère miliaire, toute explosion nucléaire et l’élimination de déchets radioactifs. La liberté de la recherche scientifique est garantie alors que la coopération scientifique internationale est encouragée. Cet accord permet aux Parties de coopérer en vue d’atteindre les objectifs du traité, malgré leurs divergences de position à propos des revendications de souveraineté territoriale. L’Argentine, l’Australie, le Chili, la France, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, et le Royaume-Uni ont fondé des prétentions territoriales sur un faisceau d’arguments tels que la découverte, la proximité géographique, l’accomplissement d’actes de souveraineté. De telles revendications n’ont pas été reconnues ni par les Etats-Unis ni par l’Union soviétique. Pour éviter tout conflit, le traité de 1959 va « geler » ces prétentions territoriales.

Les dispositions du traité ont été progressivement complétées par d’autres accords et par une série de recommandations adoptées à l’occasion des vingt et une conférences consultatives passées. Le Traité et les accords successifs sont ouverts à l’adhésion de toute Nation. Tout Etat menant des activités substantielles de recherche scientifique telles que l’établissement d’une station ou l’envoi d’une expédition peut obtenir le statut de Partie consultative, et à ce titre disposer d’un droit de vote. La France, membre originaire du Traité sur l’Antarctique, est l’une des 26 Parties consultatives. La virginité de l'Antarctique s’est trouvée fortement menacée par la Convention de Wellington sur la réglementation des activités relatives aux ressources minérales de l'Antarctique du 2 juin 1988. La nécessité de protéger l'environnement austral a, de ce fait, été sujette à des considérations intenses par les Parties au Traité sur l'Antarctique de 1959, qui ont culminé par l'adoption, le 4 octobre 1991, du Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement, communément appelé Protocole de Madrid. Ce nouvel instrument juridique est entré en vigueur le 14 janvier 1998.


D’une protection ponctuelle à une protection globale de l’environnement en Antarctique

L'environnement n’a jamais été absent des préoccupations des Etats portant un intérêt à l’Antarctique. Le continent austral connaît des protections ponctuelles dans le cadre du système du Traité sur l’Antarctique. Les Mesures Convenues sur la conservation de la faune et de la flore Antarctiques, la Convention sur la protection des phoques de l’Antarctique, la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique ou encore le corpus juridique quantitativement impressionnant que présentent les recommandations adoptées lors des réunions des Parties consultatives sont autant d’éléments contribuant à la préservation et la gestion collectives du milieu antarctique. Toutefois, une approche d'ensemble qui assurerait une protection plus systématique et plus efficace de l’environnement austral s’est révélée être vitale à la fin des années 1980.
A l'initiative des néo-zélandais, il est alors question d'examiner les modalités d’exploitation des ressources minérales du continent. La France s'est montrée être, avec l’Australie, le défenseur déterminant du milieu naturel antarctique. Au moment où certains Etats voyaient en cet espace un lieu nouveau pour l'exploitation de ressources naturelles, ces deux Etats se sont vivement opposés à l'entrée en vigueur de la convention de Wellington sur la réglementation des activités relatives aux ressources minérales de l'Antarctique qui aurait permis une telle activité. L’entrée en vigueur de cet accord dépendait de sa ratification par les sept Etats dits « possessionnés ». Outre la ratification de l’Argentine, le Chili, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, et le Royaume-Uni, celle de l’Australie et de la France était ainsi nécessaire.Avec le refus de la France et l’Australie de la ratifier, cette convention ne peut entrer en vigueur. Parallèlement, une véritable contre-offensive écologique a été menée, contre cette convention, par les principales organisations de protection de l’environnement, telles Greenpeace ou la Fondation Cousteau. Enfin, les désastres environnementaux fortement médiatisés du Bahia Paraiso dans les eaux australes et surtout de l’Exxon Valdez au pôle nord ont montré la fragilité des zones polaires . Les préjudices graves subis par le milieu austral couplés à l’infortune de l’Exxon Valdez ont donné un coup de fouet à l’opinion publique internationale dorénavant sensible aux répercussions écologiques des marées noires sur de tels espaces.

Face à une telle opposition, les Etats ont donc cherché à élaborer des normes sévères pour toutes les activités humaines menées au sud du 60° degré de latitude Sud. A Madrid, au printemps 1991, la réunion des Parties consultatives au Traité de Washington a donné raison à la France et à l’Australie et aux organisations non gouvernementales « environnementalistes ». Le Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement témoigne de l'attention croissante qui est prêtée à la sauvegarde de la nature du continent blanc. Son adoption marque une point tournant significatif du droit de l'environnement en général et de la protection de l'Antarctique en particulier. Ce traité désigne l’Antarctique comme « réserve naturelle consacrée à la paix et la science ». Il consacre l'idée selon laquelle le développement d'un régime de protection globale de l'environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés est de l'intérêt de l'humanité tout entière. Pour que ce nouvel instrument juridique entre en vigueur, il appartenait aux 26 Parties consultatives du Traité de Washington de le ratifier.
Six ans ont été nécessaires pour que soit atteint le nombre de ratifications exigé. Le Protocole de Madrid n’est ainsi entré en vigueur que tout récemment : le 14 janvier 1998, soit trente jours après sa ratification par le Japon. Les dispositions du Protocole ne sont toutefois pas demeurées lettre morte depuis 1991. Les Parties contractantes ont, à plusieurs reprises, affirmé leur engagement à respecter, dans la mesure du possible, les dispositions de cet accord avant même son entrée en vigueur. D’une application volontaire du Protocole de Madrid, nous passons, grâce à l’entrée en vigueur de cet instrument, à une application forcée de celui-ci par tous les Etats contractants.

Des garanties environnementales strictes

Le Protocole de Madrid consacre, en le complétant, le système du Traité sur l'Antarctique. En 1991, les Etats ont réaffirmé leur attachement aux principes et aux objectifs de 1959 : le gel des prétentions territoriales, la non-militarisation, la non-nucléarisation, la liberté de la recherche scientifique et la coopération internationale.
Le Protocole représente par-dessus tout une véritable réponse aux critiques sévères formulées à l’égard de la Convention, mort-née, de Wellington. Une interprétation stricte du principe de précaution est ainsi consacrée. Toute activité relative aux ressources minérales, autre que la recherche scientifique, est dorénavant interdite. Les débats relatifs à l'exploitation des ressources minérales de l'Antarctique sont ainsi clos. Certes, une révision est possible mais une levée éventuelle de la prohibition est soumise à de sérieuses conditions de fond et de forme .

Parallèlement, les activités humaines sont interdites à moins qu'il ne soit prouvé qu'elles ne provoqueront pas un dommage inacceptable pour l'environnement. A cette fin, un mécanisme d’évaluation préalable d’impact sur l’environnement à plusieurs échelles a été élaboré. Les activités sont divisées en trois catégories différentes dépendant de leurs conséquences éventuelles sur l’environnement naturel. « Plus les éventuelles répercussions écologiques d’une activité sont importantes, plus les conditions à remplir sont sévères » . Les activités qui sont identifiées comme pouvant certainement avoir un « impact moindre que mineur ou transitoire » seront évaluées conformément à des procédures nationales, elles seront entreprises immédiatement (par exemple, le déménagement d’un camp). Si elles présentent un « impact mineur ou transitoire », une évaluation préliminaire d’impact sera exigée (par exemple, une modification substantielle d’une station existante). Enfin, les activités qui auront probablement un « impact plus que mineur ou transitoire » feront quant à elles l’objet d’une étude globale d’impact sur l’environnement (par exemple, la construction d’une piste d’atterrissage). Une attention particulière sera portée à l’activité, et principalement à son effet dommageable éventuel, à sa garantie de sécurité par rapport à l'environnement et à l'existence de moyens rapides et efficaces en cas d'accident.

Le Protocole de Madrid n’est pas un traité exempt de toute critique. Il peut être regrettable de voir que ceux qui effectuent les évaluations d'impact sont également ceux qui vont mener ces activités. De même, le Protocole de Madrid ne donne aucune définition des termes « impacts mineurs ou transitoires ». Une latitude d’interprétation subsiste. Cela aboutit à un paradoxe : des Etats pourraient juger certaines activités potentiellement dangereuses alors que, pour d’autres, ces mêmes activités ne présenteraient aucun danger. Une certaine harmonisation quant à l'approche de l'impact des activités tend néanmoins à se développer à l’occasion des réunions des Parties consultatives successives.

Malgré tout, le Protocole de Madrid représente un pas significatif vers une protection de l’environnement du continent austral puisque les évaluations d’impact sur l’environnement sont la condition sine qua non d’une réglementation effective de la faune et de la flore. Ses auteurs ont élaboré un dispositif complet de protection de l’écosystème : toute activité menée au sud du 60° degré de latitude Sud, qu’il s’agisse des activités scientifiques ou des activités touristiques, est concernée. Elles seront observées de leur projet à leur achèvement. En outre, des annexes précises développent les règles relatives et à la conservation de la faune et de la flore, à l’élimination et la gestion des déchets, à la prévention de la pollution marine, et à l’instauration de zones spécialement protégées. Un comité pour la protection de l’environnement va surveiller la mise en œuvre de ce nouvel instrument juridique.

Les règles du Protocole de Madrid sont surtout exprimées dans des termes impératifs. Le Protocole est juridiquement contraignant non seulement pour les Etats parties mais également pour les opérateurs fonctionnant sous leur juridiction. La mise en oeuvre du Protocole repose essentiellement sur les épaules de chaque partie contractante. A part le mécanisme des discussions, l'examen des rapports, les inspections, aucun mécanisme véritablement international n’a été élaboré. Les Etats doivent donc légiférer au plan national pour leur donner effet et montrer qu’ils font leurs les préoccupations et les priorités de la communauté internationale. A cette fin, le traité établit un ensemble de mesures de protection environnementale complet et incorpore des dispositions pour améliorer l'effectivité et la bonne réception du mécanisme du Traité sur l’Antarctique. S'il est attrayant d'harmoniser les lois nationales, une application uniforme du Protocole est néanmoins irréalisable. Des approches législatives nationales différentes sont inévitables. A la différence par exemple du Royaume Uni qui a établi une législation interne, la France, si elle a ratifié le Protocole de Madrid, ne l'a pas encore introduit dans son droit interne.

Une protection environnementale confortée

Depuis 1991, les Parties consultatives ont cherché à perfectionner le régime juridique, à combler ses lacunes et insuffisances et à ouvrir des voies nouvelles. Le débat porte ainsi sur l’institutionnalisation du système du Traité sur l’Antarctique jugée inévitable. En raison de la complexité croissante de ce système, la création d’un secrétariat est en cours de discussion. Mais, c’est surtout vers l’élaboration de règles relatives à la responsabilité des dommages à l’environnement et de normes sur le tourisme que se tournent les Etats.

Si les Etats bénéficient d’un système de règlement pacifique des différends circonstancié, le Protocole de Madrid n’a fait que rappeler que les Etats s'engagent à élaborer des règles concernant la responsabilité pour les dommages à l’environnement résultant de leurs activités dans la zone du Traité sur l’Antarctique. Le Protocole préfère ainsi mettre l'accent sur la prévention des dommages et sur les mesures de réaction à adopter lorsque ceux-ci surviennent que de se préoccuper de la réparation des dommages et des problèmes de responsabilité. La démarche est logique puisque la réparation des dommages montre l’échec d’une prévention. Nonobstant, des règles relatives à la responsabilité sont indispensables. Les différentes réunions des Parties consultatives sont l’occasion de négociations d’une annexe sur la responsabilité des dommages causés à l’environnement.

Depuis les années 1960, un accroissement régulier du nombre des touristes qui se rendent dans la zone du Traité sur l’Antarctique est observé. Quelques 7322 personnes ont voyagé vers l’Antarctique à bord de navires entre novembre 1996 et mars 1997, ils étaient moins de 2000 il y a quinze ans et leur nombre ne va cesser d’accroître . Ce type d'activité fait courir des risques supplémentaires à l'écosystème. L’élaboration de règles relatives à la prévention d’une telle pollution anthropique et garantissant un « écotourisme » a mobilisé l’attention des Parties consultatives ces dernières années. Des mesures non contraignantes pour les visiteurs de l’Antarctique et pour « ceux qui organisent et conduisent des activités touristiques et non-gouvernementales » ont ainsi été adoptées à Kyoto en 1994.

Une utilisation durable et non abusive de l’Antarctique pour le bien-être de l’humanité dépend de la protection de l’environnement en Antarctique. Il ne s’agit pas d’empêcher la présence de l’homme, nous avons en revanche l’obligation de la réglementer. Les Parties ont œuvré de concert pour traduire en termes exécutoires un certain nombre de mesures destinées à éviter que les activités ne portent préjudice à l’environnement. Le Protocole de Madrid est un pas décisif vers un cadre idéal aux différentes formes de protection requises par certaines régions fragiles de l’Antarctique. Il doit permettre de renforcer la coopération dans le cadre du système du Traité sur l’Antarctique. Cependant, il reste beaucoup à faire. Si les négociations sur le Protocole ont été menées dans un climat constructif et positif, il reste à montrer que ce traité est en mesure de faire face à ses nouvelles responsabilités. Des défis sont à relever, notamment mettre tout en œuvre pour réglementer certains domaines d’activités, comme le tourisme et les activités non-gouvernementales.


Depuis 1959, le Traité sur l’Antarctique a été un exemple de coopération internationale visant à tenir le continent blanc à l’écart de tout conflit et de faire un lieu voué à la recherche scientifique dans l’intérêt de l’humanité tout entière. Avec le maintien de la paix et la recherche scientifique, l’environnement est devenu le troisième pilier du système du Traité sur l’Antarctique. La récente entrée en vigueur du Protocole de Madrid va certainement représenter un regain d’intérêt pour l’Antarctique. Le Protocole sert de ligne directrice au déploiement des efforts déployés par la communauté internationale pour protéger l’environnement naturel de l’homme. Ce premier traité général sur l’environnement couvrant une vaste zone internationale ouvre la voie à d’autres mesures de portée semblable dans le cadre d’un développement durable. Il guidera certainement les travaux entrepris sur les autres grands problèmes de notre époque : la protection de la couche d’ozone, la réduction de l’effet de serre, la protection des forêts tropicales, et la préservation de la diversité des espèces biologiques.

 

 

 

Source : CHOQUET (A.), Le Protocole de Madrid, un nouvel instrument juridique de l'environnement en Antarctique, Pôle Ouest, n°2, 1998

 

 

 

 

 

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